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Témoignages

Parcours de genre

Depuis quelques mois, je me sens bien dans ma peau. 

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Cette nouvelle sérénité est liée au fait que j’ai enfin accepté que je suis

une femme et que mon corps sera toujours celui d’une femme biologique.

J’ai avant cela été dans une période de confusion par rapport à mon genre

qui a duré trois bonnes années au milieu de ma vingtaine. Je pensais dur

comme fer être un homme et j’avais fait une transition sociale pour me présenter en tant que personne transmasculine. J’avais alors demandé à certains de mes proches de me genrer au masculin et j’avais raccourci mon prénom pour qu’il soit plus neutre. Même si cela m’avait soulagée sur le moment, je me suis vite rendu compte que cette transition ne serait jamais la solution à mes problèmes. J’aimerais aujourd’hui exposer les raisons principales qui m’ont amenée à croire que j’appartenais à l’autre genre et surtout ce qui m’a permis de construire mon identité d’une manière plus réaliste et positive. 

© mark olsen - Colibri

© Mark Olsen

J’ai un profil très créatif et ouvert et j’ai eu longtemps du mal à affirmer ma personnalité et à me structurer. Je ne savais pas comment me construire et comment arrêter de partir dans tous les sens. Cette instabilité a toujours été une vraie souffrance et m’a fait plonger dans plusieurs épisodes de dépression. Aucun de mes proches n’a su m’aider et les psychologues que je voyais étaient peu enclins à me comprendre et donc à me guider. Je me suis surtout sentie jugée. Sans identité stable et souffrant par conséquent d’un profond malaise dont je n’arrivais pas à m’extirper, j’étais, au début de ma vingtaine, avide de trouver une solution à mes problèmes. 

 

J’ai rejeté mon corps à la puberté car j’ai été dégoûtée des regards et des comportements qu’il pouvait susciter chez les autres. Je me sentais prise au piège de cette enveloppe que je n’avais pas choisie et qui ne m’attirait que des ennuis. Je voulais que l’on arrête de me sexualiser. Ce rejet doit être assez courant et vieux comme le monde chez beaucoup de jeunes femmes, sauf qu’aujourd’hui, on nous fait comprendre par plusieurs canaux que nous pouvons changer de genre facilement. C’est à l’Université, dans mon cercle d’amis (eux aussi créatifs) de l’époque et sur les réseaux sociaux que j’ai découvert l’idée que les femmes pouvaient être des hommes et inversement. Par mimétisme et en fréquentant des personnes qui se déclaraient trans, j’ai cru moi aussi appartenir à cette frange de la population. Avec du recul, j’envisageais la transition comme un refuge. En me présentant comme un homme, je croyais inconsciemment que je serais enfin débarrassée de ces pressions vis-à-vis de mon corps et que je serais protégée. Je me mettais le doigt dans l’œil. Mon mal-être avait peut-être pris une autre forme, mais il était toujours présent. Je n’en étais que plus confuse. 

 

Malgré le fait que nous puissions tous, en théorie, être qui l’on veut et faire ce qu’il nous plaît, le féminin est toujours autant dévalorisé. J’ai intériorisé en grandissant que la meilleure manière d’être une femme était d’être un homme. La femme d’aujourd’hui doit être forte, virile, performante, vaillante, entreprenante. Elle doit remplacer les hommes à la tête des entreprises et c’est seulement là qu’elle prouvera enfin sa vraie valeur. A côté de cela, la maternité, les métiers de soins, et les activités perçues comme féminines sont toujours aussi dénigrées. J’ai suivi ce mouvement tant bien que mal et me suis travestie (et disons-le nous avec peu de succès) en homme. Cela m’a rendue malheureuse car je piétinais constamment mes aspirations profondes. J’ai depuis appris à valoriser les domaines qui m’intéressent et à m’accepter dans ma pluralité. En définitive, personne ne correspond aux stéréotypes de genre et personne n’est vraiment binaire. 

 

J’ai réussi à me sortir de ce système de croyances en écoutant d’autres points de vue moins complaisants et plus rationnels sur le sujet, notamment ceux de la Youtubeuse française Antastesia et du psychologue canadien Jordan Peterson. J’y ai trouvé une logique implacable qu’il m’était difficile d’ignorer et de vraies pistes pour trouver des réponses à mes questions existentielles. Au regard de ce que j’ai vécu, il est à mon sens important de d’abord investiguer ce rejet du corps et de ne pas considérer les transitions sociales, hormonales et chirurgicales comme des solutions de premier recours. Je suis si soulagée de n’avoir jamais cherché à modifier mon corps. Maintenant que je désire être maman, la perspective de n’avoir plus de poitrine, d’utérus ou de m’être rendue stérile aux hormones me glace le sang. Il est tout à fait normal d’être à la recherche de son identité lorsque l’on est jeune et de passer par des phases de désespoir. Ces moments sont certes désagréables, mais ce n’est pas en abîmant le corps que l’esprit ira mieux.

 

Je pense que l’on peut construire son identité d’autres façons plus constructives et ancrées dans la réalité. J’ai déserté les réseaux sociaux il y a quelques années et je les ai troqués pour la vie réelle. Je me suis prise de passion pour les oiseaux sauvages. Ils évoluent avec des contraintes de survie et de reproduction beaucoup plus brutales que les nôtres; les observer m’a ramenée à l’essentiel. En allant à la rencontre de la nature, j’ai embrassé la mienne et j’en ai apprécié les possibilités. 

 

Depuis que j’ai accepté mon corps tel qu’il est, que je nourris mes passions, que je respecte mes limites corporelles et spirituelles, je m’épanouis enfin pleinement.

 

Christelle

 

Après uniquement deux séances

Ma fille de 17 ans s’est vu remettre une prescription pour l’ablation des deux seins et un traitement non autorisé en Suisse de testostérones après uniquement deux séances, par un pédopsychiatre. Elle n’a jamais éprouvé d’incongruence de genre et était toujours très féminine. Cette auto-identification a débuté à l’adolescence à la suite d'une rupture. Il y a quatre filles dans sa classe qui proclament être des garçons.

 

Ma fille a été placée en foyer le soir-même de mon entrevue avec le juge de paix

Ma fille de 16 ans, fragilisée par le décès de son père, m’a annoncé subitement en février 2020 ne pas être une fille mais un garçon. Elle a été d’accord de commencer une psychothérapie. En septembre, elle a changé d’école et a rencontré un médiateur scolaire qui l’a guidée pour faire un coming out à l’école. Elle m’a demandé l’autorisation de prendre de la testostérone, ce que j’ai refusé. Quelques mois plus tard, elle est allée se plaindre de moi au médiateur de mon refus. Sans m’avoir consultée, celui-ci a fait un rapport au proviseur de l’école, qui a écrit au juge de paix. Ce rapport au juge de paix déclare: «X s’identifie comme un garçon trans. Selon lui, sa mère minimise, voire nie ce sentiment profond qu’il a d’appartenir au genre masculin, ce qui provoque chez lui un fort mal-être. Cette situation empêche la mise en place d’un suivi qui répondrait aux besoins formulés (traitement hormonal, binder, etc.).» […] Ma fille a été placée en foyer le soir-même de mon entrevue avec le juge de paix, celui-ci ne remettant pas en cause les accusations du proviseur et demandant à la curatelle de «mettre en place un suivi psychologique adapté à sa situation», alors même qu’un suivi adéquat était en place avec une pédopsychiatre.

 

Notre enfant a été propulsée dans une machine qui avance à grande vitesse

Nous sommes les parents d’une adolescente qui, trois ans après sa puberté et encore mineure, a dit s’identifier comme un garçon et suit, depuis, une thérapie hormonale de réassignation de genre. Nous avons été atterrés par le décalage entre la promesse d’un traitement sur mesure et le constat que notre enfant a été propulsée dans une machine qui avance à grande vitesse et qui applique une méthode uniforme: l’affirmation de la transsexualité de l’enfant et sa médicalisation la plus rapide possible. Notre enfant a, par exemple, vu un spécialiste pour discuter de la congélation de ses ovocytes. Comment une adolescente peut-elle prendre la mesure d’une telle décision en moins d’un quart d’heure de consultation? Nous nous sommes vus diaboliser parce que nous osions poser des questions sur un traitement lourd, aux conséquences irréversibles. Les médecins et psychiatres ont balayé nos inquiétudes sur le malaise adolescent de notre enfant qui, comme beaucoup de jeunes dans sa situation, a de lourds antécédents dont il n’a pas été tenu compte.

 

Je considère ma fille comme une rescapée

Je considère ma fille comme une rescapée. A 16 ans, elle a déclaré qu’elle se sentait être un garçon. Sa transition sociale a été initiée dans le cadre du collège sans que nous, parents, en ayons été informés. Elle a ensuite été rapidement accompagnée sur le chemin vers la transition médicale tant par le service de pédiatrie de l’hôpital que par une association militante, et enfin par le psychiatre qui lui a décerné en quelques séances un certificat médical déclarant qu’elle avait la capacité de discernement pour suivre une hormonothérapie et subir une mastectomie, cela à l’âge de 16 ans. Aujourd’hui, X. qui, il y a encore une année exprimait sans aucun doute la volonté de prendre des hormones, a décidé de temporiser. Si elle/il préfère être genré·e au masculin, elle/il semble s’être libéré·e de l’obsession de conformer son corps à son genre ressenti, et a compris que son mal-être avait peut-être des causes plus larges que la seule dysphorie de genre.

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